Lucie

Je travaille avec une femme qui s’appelle Lucie. Je travaille avec elle depuis longtemps. Elle est plus âgée que moi. C’est une femme noire, très épaisse, avec des seins et des cuisses lourds, et son visage a des traits gros et audacieux. De grands yeux. Un nez large. De grosses lèvres. Ugh, de grosses lèvres…

Et Lucie a ce rire. Je ne sais pas comment le décrire. Il part du plus profond et se termine par ces sons vraiment aigus. C’est attachant. C’est réel.

Parfois, je la regarde et je n’ai qu’une envie, c’est de la toucher.

Je ne me considère pas comme attiré par les femmes. Lucie est ma bonne amie, ma collègue de travail. Je bois du café avec elle à la pause déjeuner. Nous bavardons ensemble, nous mangeons ensemble, nous travaillons ensemble. Elle me raconte parfois des histoires sur son ancienne vie à la Barbade. Et puis nous rentrons tous les deux à nos vies séparées.

Mais certains jours, j’ai vraiment envie de l’embrasser. Toucher son visage, son bras. Je veux lécher sa peau. J’ai l’impression que ça sentirait vraiment bon, comme la noix de coco. Et ça aurait vraiment bon goût. Chaud et doux. Je voudrais juste mettre ma bouche dessus.

Je ne sais pas ce qui m’a pris aujourd’hui. J’aimerais vraiment l’embrasser. Rien de gros, juste des petits baisers… sur sa joue, peut-être. Lents et doux, assez pour la chatouiller un peu. Je veux qu’elle se sente bien.

Je suis derrière elle maintenant. Je peux voir son dos, son corps voluptueux, avec ses jambes épaisses et ses hanches. Elle photocopie quelque chose. Elle a relevé ses cheveux en une toute petite queue de cheval, et je peux voir son cou. Sa queue de cheval est toujours si petite. Elle me dit tout le temps qu’elle essaie de faire pousser ses cheveux, mais qu’ils ne poussent jamais. Je les aime comme ça.

Elle a son visage insolent. La même qu’elle a quand les gens laissent un désordre qu’elle sait qu’elle va devoir nettoyer. Une petite moue dédaigneuse.

J’ai vraiment envie de l’embrasser.

Je vais le faire.

Je m’avance très vite derrière elle. Je rassemble tout ce que j’ai et je l’embrasse.

J’embrasse Lucie !

Ce baiser très rapide. Très rapide, mais très doux, sur sa nuque.

Je n’arrive pas à croire que je viens d’embrasser Lucie…


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Je ne sais pas quoi faire, alors je reste là où je suis. Je peux entendre sa respiration. Je le sens presque. De la façon dont je me tiens, je suis juste derrière elle, et mon ventre la touche presque. Presque, mais pas tout à fait. Et le petit espace qui nous sépare me donne des frissons. Je me sens mal à l’aise, froid et en sueur. Et choquée. Je ne sais pas pourquoi je viens de faire ça. Merde. Pourquoi j’ai fait ça ? Mais je ne veux pas bouger. Parce que j’ai aussi vraiment envie de l’embrasser à nouveau. Embrasser son épaule. Plus lentement cette fois, et plus longtemps. Je veux juste laisser ma bouche là et sentir sa chaleur. Je veux me presser contre elle. J’aimerais la goûter. « Stéphanie », dit-elle. Et c’est tout ce qu’elle dit pendant ce qui me semble être un très long moment. L’air est chaud et épais, mon visage est rouge, et je me sens stupide. Tellement stupide. Mes mains moites restent allongées le long de mon corps, et je suis à bout de nerfs. J’ai l’impression que c’est la fin de ma carrière. Mais je ne peux toujours pas bouger. Je me sens intoxiqué.

Elle se retourne un peu, et me jette un regard gêné. « Qu’est-ce que tu fais ?

Je ne sais pas, je dis.

Je veux dire autre chose, mais j’ai l’impression que ma langue est gonflée et engourdie, et je ne trouve rien à dire. Rien du tout.

« Je suis désolé », j’ai fini par cracher le morceau. Mais je ne me sens pas désolé. Je me sens stupide, mais pas désolé. Je voulais l’embrasser. Je regarde son visage. Elle détourne le regard et reste immobile.

Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris aujourd’hui. Mais je me sens courageux. Je l’embrasse à nouveau. Sur la joue cette fois. Plus lentement, plus fort. Je rapproche mon corps du sien. Mes mains sont toujours maladroitement posées à côté de moi. Je ne sais pas quoi en faire. Mon visage est près du sien, et je respire.

Je n’ai jamais eu aussi peur. Je me sens tellement lié à elle, comme personne d’autre.

Je l’embrasse dans le cou, sur sa douce peau noire. Je l’embrasse partout dans le cou, maladroitement et nerveusement. Des baisers chauds et humides. Je me sens absorbé par sa peau, son lobe d’oreille, sa respiration. Elle se tient là.

Lucie, à quoi tu penses ?

Et puis elle a touché ma main.

Comme une décharge électrique, ses doigts ont saisi les miens et les ont doucement serrés. Son autre main touche ma cuisse, très légèrement. Je ne peux pas le décrire. Électrique. Chaud. Intense. Ses doigts sont des aiguilles. Je peux à peine respirer. Je ne peux pas croire que Lucie m’ait touché aussi.

Qu’est-ce qui se passe, putain ?

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